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Depuis le lancement de la campagne présidentielle aux Etats-Unis, on s’attendait à un soutien de la superstar mondiale Taylor Swift à la candidature démocrate. L’annonce, juste à la fin du débat qui a opposé, mardi 10 septembre, la vice-présidente Kamala Harris à l’ex-président Donald Trump, n’est pas une surprise : mais le timing, la tonalité et la thématique en font un geste politique particulier. Son post Instagram dépasse largement les engagements rituels d’Hollywood aux côtés des candidats démocrates : « Je vote pour Kamala Harris parce qu’elle se bat pour les droits et les causes qui exigent une guerrière pour les défendre. »
Par le caractère explicitement moral de son soutien, Taylor Swift illustre désormais le pouvoir politique de la culture populaire, trop souvent décriée en France, dont le rôle est de transmettre des valeurs partageables et mobilisatrices que les politiques ont bien du mal à incarner. Il ne s’agit pas d’être un modèle à suivre – elle indique seulement ce qu’elle va faire –, mais de faire et de donner confiance aux jeunes électeurs. Elle a exhorté ses fans à s’inscrire sur les listes électorales à un moment crucial, ciblant un électorat que les démocrates peinent à faire voter.
Ce positionnement se différencie de celui des « personnalités » qui affichent régulièrement leur soutien à des candidats démocrates : en 2016, Beyoncé, Salma Hayek, Lena Dunham, George Clooney, Robert De Niro, Meryl Streep, Pharrell Williams et bien d’autres avaient apporté leur caution à Hillary Clinton contre Donald Trump. A l’époque, il s’agissait d’utiliser à la fois un statut de star et une supériorité morale, dans la tradition d’une alliance de bon goût des démocrates privilégiés et du milieu mythique d’Hollywood. Ce qui s’était retourné alors contre Hillary Clinton, perçue injustement comme bourgeoise élitiste méprisant les « white trash » [« raclures blanches »] de Trump.
Taylor Swift a (parmi d’autres) soutenu Joe Biden en 2020. Mais, quatre ans après, son post et sa signature sarcastique – « Taylor Swift, Childless Cat Lady », référence aux propos, en 2021, du vice-candidat réactionnaire J. D. Vance sur les démocrates « femmes à chat sans enfants » – signalent un changement d’échelle, une mutation du rôle politique de la culture populaire. Il ne s’agit pas de vedettes individuelles apportant leur belle caution en surplomb, mais d’un empowerment [« responsabilisation »] de leurs publics ; la reconnaissance d’un champ culturel qui ne se réduit pas à ses stars ou à ses produits mondialisés, mais joue un rôle-clé (au cinéma, dans la chanson, les séries, la mode et le sport) dans la promotion et l’expression des valeurs portées par la candidate Harris.
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