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Abattage rituel : « La décision de la Cour européenne présente l’intérêt de protéger l’animal sans oublier le respect que l’on doit aux convictions religieuses »

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu, le 13 février, un arrêt fort attendu. La juridiction a jugé compatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme les décrets [pris en 2019] des régions flamande et wallonne interdisant l’abattage des animaux sans étourdissement préalable. Or, selon une exigence propre aux religions musulmane et juive, l’abattage rituel [destiné à produire les viandes halal et casher] prévoit jusqu’à présent de procéder à une mise à mort de l’animal sans étourdissement préalable.
Si les décrets belges prévoient certes l’autorisation de techniques d’étourdissement « réversible » [procédé censé garantir que l’animal ne meure pas des suites de l’étourdissement, mais jusqu’à présent largement refusé au sein des communautés juive et musulmane], la difficulté n’est pas mince. Après la question classique de la limitation de l’exercice de la liberté religieuse au nom des droits d’autrui, voici venue celle de sa limitation au nom du bien-être animal.
L’enjeu est justement de savoir comment parvenir à un équilibre entre une liberté individuelle fondamentale et un objectif légitime d’intérêt général en pleine évolution. Se prononçant pour la première fois sur cette question, la CEDH apporte des éléments de réponse tout à fait intéressants sur les frontières de la liberté de manifester ses convictions religieuses, garantie par l’article 9 de la Convention – car c’est bien de cela qu’il s’agit, et non de la seule liberté d’avoir une conviction, qui est absolue par essence.
Le bien-être animal n’est certes pas protégé par le texte de la Convention, signée en 1950. Mais il ne saurait être question d’interpréter la Convention en faisant abstraction de l’environnement dans lequel elle évolue. Réceptacle des valeurs auxquelles une société adhère à une époque donnée, la morale publique est ainsi mobilisée par la CEDH pour considérer que l’interdiction de l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable répond à un but légitime.
En ce sens, elle inscrit ses pas dans ceux de la Cour de justice de l’Union européenne qui, confrontée à la même affaire en 2020, avait déjà souligné une montée en puissance des exigences relatives au bien-être animal dans les sociétés démocratiques contemporaines, autorisant ainsi l’interdiction de l’abattage des animaux sans étourdissement préalable. Une chose est donc certaine à ce stade : le fait que les textes parlent de droits de l’individu, de la personne humaine… n’empêche plus désormais d’interroger l’exercice de ces droits au regard du bien-être animal.
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